Le territoire des Coëvrons a accueilli une centrale biogaz en 2021. Un projet au long cours, démarré des années avant. Pour Joël Balandraud, président de la communauté de commune et maire d’Evron, soutenir le projet en s’appuyant sur les compétences du porteur de celui-ci est un gage de sécurité et de confort pour la collectivité.
Comment s’est construite la relation entre les Coëvrons et le projet de centrale porté par ENGIE BiOZ ?
Dès mon élection comme maire d’Evron en 2014, je me suis saisi de ce projet. L’équipe précédente le soutenait, ce qui était aussi le cas de l’équipe que je représentais. Cependant, nous nous sommes heurtés à la problématique de la localisation. Avec Vol-V, aujourd’hui ENGIE BiOZ, nous avons cherché un compromis en prenant en compte les problématiques administratives, légales, techniques et le ressenti des riverains. Le permis de construire a été obtenu, mais la centrale aurait été proche de certaines habitations. Le préfet a demandé une alternative. Je me suis engagé à trouver un meilleur terrain et ENGIE BiOZ a accepté, grâce à notre rapport de confiance, de prendre quelques années de retard sur le projet. Il a en effet fallu recommencer l’instruction du dossier. Entre 2015 et 2016, il y a eu un moment de concertation avec les élus de la commune de Chammes, où nous projetions finalement la construction, puis avec les riverains concernés au cas par cas. Le rôle de l’élu est de faire le lien avec le local et les gens, quel que soit le niveau d’implication de l’entreprise extérieure. En 2018, nous avons obtenu l’arrêté préfectoral et, en 2021, la centrale a été mise en route.
Quel a été le moteur d’acceptation du projet pour la collectivité ?
Le projet de la CBEVR s’inscrit dans la vision des Coëvrons en termes de production énergétique. Chaque territoire doit participer aux objectifs nationaux de verdissement et d’indépendance de la production énergétique (via le Plan Climat Air Energie). Avec ce projet, nous prenons notre part sur la production nette d’énergie et nous générons de la stabilité. À côté de la centrale, sur un site d’enfouissement de déchets devenu impropre à toute utilisation agricole, nous avons aussi souhaité accueillir un centre de production d’énergie photovoltaïque. Il est en cours de construction. D’autre part, le projet était cohérent avec l’existant : nous avons installé la centrale à côté de la déchetterie coëvronnaise, où sont stockés entre autres les déchets verts. Enfin, nous voulons maintenir une activité forte en étant proactifs. Le projet nous a notamment permis de discuter du maintien d’une usine d’enrobés, nécessaire mais polluante, sur le territoire. Fonctionnant au fuel, l’usine allait déménager, mais nous avons proposé d’installer des canalisations pour l’alimenter en biogaz. Finalement, même si elle a trouvé du gaz ailleurs, l’usine est restée.
Avez-vous d’autres projets de production énergie verte ?
La CBEVR nous a mis le pied à l’étrier pour initier une dynamique positive sur le territoire. Nous souhaitons désormais décarboner nos transports. Le biogaz produit par le méthaniseur étant injecté à Evron, notre enjeu est d’installer une centrale de bio-GNV pour faire rouler les camions avec du gaz produit sur le territoire, d’ici 2024. Le projet est porté par Territoire d’Energie Mayenne (TEM ). Même si nous n’investissons pas financièrement dans le projet, nous provoquons et accompagnons des projets.
Votre collectivité a soutenu le projet sans prise de capital. Que pensez-vous de ce fonctionnement ?
En tant qu’élu de la collectivité, je me suis plu dans ce modèle car je connais les difficultés de la mise en œuvre. Quand une entreprise solide gère les négociations et l’approche technico-financière, c’est du pain béni. Nous pouvons faire suivre les revendications à l’entreprise et garder une certaine distance. Les obligations entre ENGIE BiOZ et les parties prenantes sont bien comprises et opposables. L’entreprise prend les risques, ce qui est confortable pour nous. Cela n’empêche pas d’être vigilant que le projet se fasse dans un cadre éthique. Par ailleurs, nous nous sommes compris sur les objectifs de maintien de l’activité agricole et de consolidation des modèles de ferme. Le système est gagnant-gagnant : la valeur ajoutée est partagée entre les uns et les autres.
Pensez-vous que la prise de capital aurait changé votre niveau d’information ?
Pas du tout. Nous discutions beaucoup et avons bénéficié de transparence. Nous suivons beaucoup de projets, nous n’aurions pas la ressource humaine et technique pour nous impliquer partout. Nous devons nous assurer que l’énergie est produite dans de bonnes conditions sur notre territoire, or nous ne sommes pas producteurs. D’ailleurs, avant que le montage des partenariats avec les agriculteurs ne soit finalisé, certains étaient mécontents de ne pas avoir accès au capital. Mais ils se sont rendus compte de la complexité du montage des dossiers, et ont réalisé qu’il était confortable d’avoir des garanties via un contrat bien ficelé.
Que pensez-vous du niveau d’information dont ont bénéficié les élus et les riverains ?
Nous avons conceptualisé avec ENGIE BiOZ la façon dont nous allions partager les informations, sans attendre que l’Etat nous y oblige. Une fois convaincus et bien au fait du projet, nous avons pu communiquer ensemble avec les habitants. Les messages sont donc bien passés. Nous avons été bien accompagnés, et avons bien séquencé l’évolution du projet. Comme nous avions l’information tout le temps, nous étions à l’aise pour répondre aux interpellations des élus et habitants, et pour mettre en place des moments de concertations avec les riverains. Le comité de suivi, dont je fais partie, est composé d’élus de la collectivité, de riverains, des maires de Chammes et de Ste-Suzanne-et-Chammes, du responsable environnement de la communauté de communes des Coëvrons, et d’association environnementale.
Les engagements pris par ENGIE BiOZ on-ils été tenus ?
Nous n’avons eu aucune mauvaise surprise. Comme nous avons vendu à l’entreprise un terrain contenant une zone humide et du bois, il a fallu compenser son imperméabilisation par une autre zone. La collectivité a mis à disposition une zone attenante qui a été valorisée par ENGIE BiOZ avec une nouvelle zone humide et du bois. Il y a même des chevreuils ! La relation de confiance peut se poursuivre et certains projets attenants au traitement du déchet et à la performance énergétique pourraient se développer dans le futur.
Un an après la mise en service, quel bilan tirez-vous du projet ?
Le bilan est très positif. Ce qui a été imaginé a été réalisé ! Nous pouvons nous projeter pour aller plus loin dans l’exploitation du gaz vert. Avant le méthaniseur, nous n’avions pas imaginé parler de bio-GNV.
Quels conseils donneriez-vous à d’autres élus qui pourraient accueillir de futurs projets de biogaz sur leur territoire ?
Il faut avant tout que la production d’énergie soit un objectif politique. Se poser la question du modèle trop tôt, en répondant à des sollicitations extérieures, peut amener à se tromper. Il faut bien définir ce qu’on veut pour son territoire pour donner de la force à l’acceptabilité et au portage. Parler trop tôt de la localisation sans avoir les contours du projet, c’est s’assujettir à ne parler que des nuisances, sans mettre en valeur l’intérêt pour le territoire. Il est important de choisir une structure porteuse solide car ces compétences ne sont pas dans les collectivités. Il faut rester fidèle et franc avec l’entreprise, pour que la confiance soit des deux côtés. Enfin, il est essentiel de se mobiliser autour de la communication.